La-marque-du-diable.jpg(Hexen bis aufs Blut gequält / Mark of the Devil)

de Michael Armstrong (Allemagne)

avec Udo Kier, Herbert Lom, Reggie Nalder, OliveraVuco, Herbert Fux, Johannes Buzalski, Michael Maien

 

A la fin des années 60, les mœurs se libérèrent suffisamment pour que le champ des possibles du cinéma d’horreur s’élargisse et pour que de nouveaux thèmes s’y taillent une place de choix. Après les vampires et les monstres classiques magnifiés par la Hammer, les atrocités bien réelles de l’inquisition s’invitèrent donc sur les écrans, comme en témoigne le succès du Grand Inquisiteur de Michael Reeves. Désireux de surfer sur cette vague, le producteur Adrian Hoven concocta La Marque du Diable et Reeves fut même envisagé pour le réaliser, mais il décéda avant de pouvoir se lancer dans ce projet.

 

Michael Armstrong (qui fut l’assistant de Reeves sur Le Grand Inquisiteur) lui succéda donc et développa un scénario particulièrement audacieux. Dans un petit village européen, le sinistre évêque Albino (Reggie Nalder, dont le visage de rapace glace le sang), auto-proclamé chasseur de sorcières, torture et brûle à tout va, établissant sans scrupule de faux actes d’accusation pour mettre sur le bûcher les femmes qui refusent ses avances. Lorsque le jeune juge Christian von Meruh (Udo Kier) débarque avec ses grands yeux clairs et son visage d’ange, un semblant de paix semble revenir sur les lieux, car cet homme d’église entend bien ramener un peu de justice et de morale en attendant l’arrivée de son maître, le vénérable Lord Cumberland (Herbert Lom, débordant de charisme).

 

« Je vis pour servir Dieu et pour chasser le mal de ce monde », affirme-t-il d’ailleurs avec ferveur. Mais la tentation de la chair a raison de ses belles aspirations, et Christian succombe vite aux charmes de Vanessa Benedikt (Olivera Vuco), la plantureuse serveuse de l’auberge locale. Lorsque Cumberland s’installe dans le village, sa politique semble ferme mais juste. Moins charitable que Christian mais moins fanatique qu’Albino, il s’efforce de ne pas condamner ses prochains à la légère. Jusqu’au jour où quelqu’un remet en cause sa vigueur sexuelle et le fait sortir de ses gongs. Le juge durcit soudainement ses positions, accuse tout son entourage de sorcellerie et se laisse peu à peu aller aux tentations les plus viles…  

 

La Marque du Diable est surtout connu pour ses scènes de tortures répétées et éprouvantes, dont le point d’orgue est la fameuse langue arrachée qui orne la plupart des posters du film. La campagne promotionnelle de cette production germanique abonda généreusement dans ce sens, jusqu’à la distribution de sacs à vomi dans les salles de cinéma ! Mais on ne peut réduire La Marque du Diable à ces gimmicks commerciaux. Le film est avant tout un violent pamphlet contre l’abus de pouvoir, dressant un portrait détestable du mâle dominant (lequel violente le sexe opposé pour tenter d’affirmer sa virilité défaillante) et du fanatisme religieux (l’église y est décrite comme spoliatrice et perfide). Débordant d’idées visuelles, Michael Armstrong fut jugé trop lent pour pouvoir respecter les délais imposés par la production. C’est donc Adrian Hoven qui termina le film à sa place en s’efforçant de respecter sa vision première et de conserver la terrible noirceur de cette œuvre troublante et vénéneuse.

 

© Gilles Penso

Thema : Sorcellerie

 


marquedudiableimdvd-3d.jpgLe DVD : Pour l’exhumation de ce classique (qui fit les grandes heures des éditions René Château, à l’époque de la collection VHS « les films que vous ne verrez jamais à la télévision »), l’éditeur The Ecstasy of Films a vu les choses en grand : un double DVD gorgé de bonus parmi lesquels on apprécie tout particulièrement des interviews récentes d’Udo Kier, d’Herbert Fux (le bourreau), de Gaby Fuchs (la suppliciée), d’Ingeborg Schöner (la marionnettiste) et même d’Herbert Lom (via une archive audio qui date de juillet 2003). Les curieux découvriront même quelques rushes originaux et chutes de montages (tout étant muet, puisque le film fut intégralement post-synchronisé) ainsi qu’une critique d’époque de Joe Dante, à l’époque où le futur cinéaste écrivait dans Film Bulletin. Le père des Gremlins n’y mâche pas ses mots, taxant le film de « piètre imitation du Grand Inquisiteur » au « scénario inepte », à la « réalisation incompétente » et au « doublage exécrable » ! Les bonus se complètent d’une bande-annonce, de spots radio, d’une galerie de photos et d’un fac-similé de 28 pages du légendaire fanzine Monster Bis de Norbert Moutier (le n°24, consacré à l’inquisition). Cerise sur le gâteau, les éditeurs ont même joint au coffret une reproduction du sac à vomi distribué à l’époque dans les salles de cinéma ! Précisions enfin que cette édition – indispensable à tout fan de genre qui se respecte – est limitée à 666 exemplaires !

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