Orange méca(A Clockwork Orange)

De Stanley Kubrick (1971) – GB

Avec Malcolm McDowell, Patrick Magee, Michael Bates, Warren Clarke, John Clive, Adrienne Corri, David Prowse

 

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Orange Mécanique est une adaptation remarquablement fidèle du roman homonyme d’Anthony Burgess publié en 1962, tâche d’autant moins aisée que celui-ci, raconté à la première personne par un « humble narrateur et martyr », est écrit dans un argot étrange inventé de toutes pièces, riche en néologismes aux consonances russes. Conformément au texte original, le spectateur suit cette sordide histoire à travers les yeux d’Alex, chef d’un quatuor de voyous londoniens qui sont responsables d’agressions violentes, en particulier auprès des personnes âgées et des clochards.

 

Une discorde sépare le groupe et Alex, au moment où il agresse une riche femme excentrique entourée de chats et de sculptures en forme de pénis, est abandonné par ses compagnons. Emprisonné, il accepte d’être le cobaye d’une expérience scientifique destinée à éliminer les pulsions violentes chez les individus. Il se retrouve bientôt attaché dans une salle de cinéma, un casque à électrodes sur la tête, les yeux maintenus grand ouverts, face à un écran projetant des images atroces sur une musique de Beethoveen, son compositeur favori. Relâché dans la société à l’issue du traitement, Alex est sapé de toute sa violence et déteste Beethoveen. Mais ses anciennes victimes ne l’ont pas oublié…  

 

Orange Mécanique doit une bonne part de sa réussite à la performance de Malcolm McDowell, interprète d’Alex qui trouve ici le meilleur rôle de toute sa carrière, et dote son personnage, pourtant détestable, d’une sympathie irrésistible. Ce sentiment est renforcé par le fait qu’aucun des personnages du film n’est plaisant, et donc impropre au phénomène d’identification. C’est là que réside une grande partie du malaise distillé par le film. Certes, le ton est satirique, comme souvent chez Kubrick, mais le cynisme ne tempère nullement la violence de certaines scènes (en particulier l’agression du couple Alexander) ni l’extrême dureté du récit. Le titre surréaliste apparaît comme la métaphore de l’homme, fruit de la nature, altéré par les mécanismes de la société, mais cette image n’est clairement définie que dans les pages du roman, le film ne s’embarrassant pas d’expliquer ce qu’est une orange mécanique.

 

Kubrick profite surtout de ce postulat science-fictionnel pour dresser un portrait vitriolé des grandes institutions (police, armée, science, médecine, système judiciaire…), retrouvant là la verve caustique de Docteur Folamour et Les Sentiers de la Gloire. D’un point de vue strictement formel, on pourra regretter que la direction artistique du film ne parvienne à l’inscrire dans un univers visuel cohérent, oscillant sans cesse entre un futur proche et les seventies psychédéliques sans parvenir à se décider. Sa bande son bénéficie en revanche d’un extraordinaire recyclage de morceaux empruntés à Beethoveen, Rossini, Purcell et Elgar. Taxé de violence gratuite et complaisante, récupéré par certains mouvements d’extrême droite, Kubrick préféra interdire Orange Mécanique sur le territoire britannique, à partir de 1974, plutôt que de consentir à en sortir une version raccourcie et dénaturée. Cette autocensure prit fin en 1999, date de la mort du cinéaste.

 

© Gilles Penso

Thema: Médecine

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